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Washington d'ici
28 août 2005

Tu baises ball ? Non, je chie Cago.

Désolé pour le retard dans la mise à jour de ce blog mais il se passe tellement de choses dans la vie des népalais en ce moment qu’il faudrait au moins deux éditions par jour pour vous tenir au courant.

nationals

Puisque vous avez été sages et que vous avez eu la gentillesse de revenir ici, voici le compte rendu de l’avant dernier week-end passé en compagnie de Joce (période du 11 au 13 août). Pour la suite, nous verrons la semaine prochaine. Nous pensions avoir le temps ce week-end mais les népalais sont allés voir le premier match de baseball de leur vie (les Nationals de Washington D.C. contre les Cardinals de St Louis). Les Nationals se sont pris une branlée monumentale (6/0 avec deux manches à 3/0) pendant que les népalais dégustaient leurs hot dogs et hallucinaient devant les animations proposées entre les phases de jeu. Alors non, vraiment pas le temps pour le blog. Nous sommes désolés. Après tout, vous n’avez qu’à nous écrire des mails, des commentaires en bas de ce message ou venir nous voir : c’est la meilleure façon d’avoir des nouvelles fraîches.


joce5Jocelyn - Joce pour les intimes - a vécu au Vietnam, en Normandie et au Sénégal. Ses anecdotes sont souvent ponctuées de « quand j’étais un Vietnam » ou de « quand j’étais en Afrique » qui le font passer pour un Bob Denard retiré des affaires aux yeux des non initiés. Au cours de ses pérégrinations internationales, Joce a rencontré moult expatriés au nombre desquels on compte Skander - Skand pour les intimes - un jeune Algéro-français amateur de grosses cylindrées à deux roues et gentil à vous donner sa chemise alors même qu’il n’a qu’un t-shirt sur lui.

joce21Skand ne connaissait les népalais que depuis quelques minutes lorsqu’il s’était proposé, il y a pas mal de temps déjà, de les aider à déménager du quartier de Venoix à Caen vers la charmante bourgade balnéaire de Lion-sur-Mer. Et croyez-moi, aider à déménager alors qu’on est en moto, ce n’est pas une mince à s’faire ! Quelques soirées plus tard, entre Skand et les népalais, c’était à la vie à la mort.

 

        So no one told you life was gonna be this way
        Your job's a joke, you're broke, your love life D.O.A.
        It's like you're always stuck in second gear
        When it hasn't been your day, your week, your month or even your year, but...

        I'll be there for youuuuuuuuuuuuuuuu
        I'll be there for youuuuuuuuuuuuuuuu
        I'll be there for youuuuuuuuuuuuuuu

Skand a vécu la majeure partie de son enfance aux Etats-Unis. Dans le Maryland, plus précisément. A Bethesda pour être exact.

Mais ! Attendez ! Vous avez déjà entendu parler de Bethesda ! Vous connaissez cette ville ! Mais bon sang ! Mais c’est bien sûr ! Bethesda, c’est justement la ville où travaille la népalaide ! Quel hasard ! Quelle coïncidence ! C’est fou, ça ! C’est totalement hallucinant !

Bon ça va, on s’en remet aussi, hein ?

Papa et maman Skand travaillent à la Banque Mondiale. Papa et maman Skand ont deux fils et une fille. Si Skand est informaticien à Paris, Chafik, son frère, est chef d’une carrière de calcaire en Pennsylvanie. A Bethlehem pour être exact. Et Bethlehem, c’est à peine à 3 heures de route de Rockville.

Chafik et Joce se sont déjà rencontrés. Dans le Michigan, pour être exact. Ils ont pêchés au sonar ensemble, coupé du bois ensemble, chassé le colibri ensemble, bu des hectolitres d’alcool ensemble, les ont vomis l’un après l’autre, bref, entre eux, c’est à la vie à la mort maintenant… C’était donc dans l’ordre des choses de Joce d’aller saluer Chafik.

Vendredi 12 août, la journée se passa donc comme suit pour nos trois amis
(- Dis-donc, tu fais des rimes maintenant ?
- Oui, tu sais, je suis un peu poète à mes heures !
- Ah, bon, je croyais que tu cherchais du boulot dans l'informatique ?
- Parce-que tu crois que Baudelaire avait un boulot en plus d'être poète ?
- Ben ouais, justement, il était marchand d'armes et tout...
- Mouais, Baudelaire c'est un mauvais exemple... De toutes façons, arrête de m'interrompre lorsque j'écris le blog, ok ?
- Ok, pardon.)

Vers 8h30, le népalais emmena la népalaide au boulot et revint à la maison pour ensuite aller déposer Joce à la station de métro la plus proche.

Joce avait décidé de passer sla matinée à explorer la partie occidentale du Mall et de se perdre autour des mémoriaux immémoriaux de la capitale (je crois que je l’ai déjà faite celle-là mais bon, on s’en fout. De toutes façons, personne ne lit tous les messages du blog des népalais : ils sont vraiment trop longs.).

linconstatueSi vous êtes un ou une habitué(e) de http://lesnepalais.canalblog.com/, vous commencez certainement à avoir une idée de ce que l'on peut visiter dans le centre ville de Washington. Un des endroits les plus touristiques du Mall est sans aucun doute le Lincoln Memorial, lieu incontournable des grandes manifestations états-uniennes. Du "I had a dream" du roi Martin Luther aux protestations contre la guerre de Vietnam ("Make money not war"), tous les grands rendez-vous des USA se sont déroulés là-bas.

Au milieu du bâtiment, l'effigie du réunificateur de la nation reste de marbre devant les touristes impressionnés. Mais Joce ne s'en laisse pas compter. Il n'est pas là pour admirer. Il est là pour scruter, pour décoder, pour examiner. Et c'est sans surprise que notre ami normand a percé l'un des mystères de ce lieu.

Si l'on observe attentivement la statue de Lincoln sur la gauche, on découvre dans la chevelure du vieux monsieur un étrange profil...

lincolnhead0

lincolnhead

Le père Noël ? Ben Laden ? Le général Grant ? Le général Lee (ça m’étonnerait tout d’même !) ? Le Dieu des cathos (on s’rapproche certainement) ? Joce n’a pas encore tranché. Mais en tous cas, y’a un truc c’est sûr.

Pour ceux qui trouvent que c’est un peu tiré par les cheveux, je les félicite du jeu de mot.

Pour se remettre de ses émotions, Joce est ensuite allé mangé pour la 3e fois de son séjour chez Holly's Trolley, le restaurant de burgers à l’ancienne sur la 12e avenue. C’est un acharné du burger ce type. C’est affolant ce qu’il peut s’enfiler derrière la cravate. Il doit avoir autant de cholestérol qu’il y a de testostérone dans les couilles d’Amstrong (le cycliste, par l’astronaute ni le trompettiste, vous m’aurez compris).

Pendant ce temps-là, Vincent préparait les valises et s’acquittait de ses tâches quotidiennes de ménagers de moins de cinquante ans.

Vers 14h00, Joce, revenu du Mall, et Vincent, revenu de tout, ont chargé le dragon rouge et sont partis pour Bethesda rencontrer les susdits (oui, j’aime bien les susdits, ça vous pose problème ?) Papa et Maman Skand. Le but de cette visite ? Récupérer Cleo et Sphynx, les deux matous de Chafik qui voulaient profiter de l’escapade du week-end pour rejoindre leur propriétaire.

Le dragon rouge est une voiture de sport. Entre d’autres termes, elle a un gros moteurs, 6 cylindres en V (je ne sais pas ce que cela veut dire mais il paraît que c’est super) et surtout, un tout petit coffre et presque aucun espace pour les passagers. Une petite valise pour les népalais, un gros sac plastique bourré de trucs superflus pour Joce, deux caisses de voyage, deux caisses pour déféquer, dix huit boîtes de nourriture pour les chats : il ne restait pas beaucoup de place dans la voiture. Inutile de vous dire que les 207 miles entre Rockville et Bethlehem furent un peu pénibles. Ajoutez à cela un vomi de chat, 14 827 miaulements désespérés, un demi-tour sur l’autoroute pour cause d’absence de carte routière, notre trio d’amis était content d’être arrivé. (oui, parce qu’entre deux, les garçons avaient embarqué la népalaide, si on vous raconte absolument tout, on va pas s’en sortir, alors vaut mieux pas trop vous attardez sur les détails, d’accord ?).

cleo
celui-là, ce n'est pas celui qui a vomi sur Joce, c'est celui qui a pissé
sur la banquette arrière et sur la jupe d'Anne-Laure.

Chafik habite Bethelem depuis quelques mois et habite avec Lisa à Bethlehem depuis quelques jours. Lisa travaille dans une clinique privée, c’est une spécialiste de la médecine nucléaire. En d’autres termes, il fait des scanners, des IRM et tous ces machins angoissants que l’on subit lorsqu’on est pratiquement certain de ne plus en avoir que pour quelques mois (c’est mon côté optimiste qui parle, si j’étais pessimiste, j’aurais dit quelques jours).

Lisa est née et a grandi dans le Michigan. Sa grand-mère était une pied-noire. Aux USA, cela ne signifie pas que son aïeule sait faire le couscous, cela veut dire qu’elle était indienne, de la tribu des Black Foot. Lisa est une fille très sympathique, généreuse, patiente avec les gens qui baragouinent trois mots dans sa langue, bref une crème.

lisa

barbecueChafik travaille aux USA depuis suffisamment de temps pour prétendre à demander la nationalité pour peu qu’il paie largement un bon avocat. Il gagne par mois trois fois le PIB du Niger, aime faire du kite-surf, regarder le football à la télévision (le vrai football, pas le soccer) et la bonne bouffe. Il est sympathique, généreux et pour ne rien gâcher, il présente une charmante calvitie bien virile (oui, la calvitie, c’est viril. J’ai dit !). C’est un excellent cuisinier (avec un spécial accessit pour le barbecue au gaz). Les népalais et Joce ont pu apprécier ses talents dès le premier soir de leur arrivée. Au menu : champagne (que c’était bon de se rappeler le goût des bulles de raisin !), brochettes (kebabs en anglais) de bœuf aux hormones (excellent !), trou normand avec un vrai calvados (que c’était bon de se rappeler le goût du jus de pomme !), bref un festin de rois en terres yankees. Cela faisait bien longtemps que les népalais n’avaient pas mangé comme ça. Joce a versé une larme tant c’était bon.

chakif

(la cheminée est fausse : elle fonctionne au gaz et on l’actionne avec une télécommande. Les bûches sont en céramique. Ils sont fous ces états-uniens !)

maison


Et le lendemain matin, ils ont remis ça avec un vrai petit déjeuner américain : maple links (saucisses au sirop d’érable), hashbrown (galettes de pommes de terre), orange juice (bon, je vais pas vour traduire ça, hein, vous êtes grands maintenant).

mapplelinks

Après le petit déjeuner, vers 14h00 de l’après-midi, Chafik a emmené les trois français (enfin, le français et les deux expatriés) visiter sa carrière. A cette occasion, les népalais sont montés dans une voiture qui présente autant de chevaux que toutes les voitures de leur vie cumulée.

4x4

La fabrique de ciment pour laquelle travaille Chafick est petite. « Petite » aux Etats-Unis signifie que le site de l’entreprise compte moins de 3000 employés.  Pour fabriquer du ciment, il faut du calcaire, du charbon, des vieux pneus de bagnoles, des coquilles d'oeufs, d'autres ingrédients encore, des machines immenses poussièreuses et bruyantes, des fours qui tournent sur eux-mêmes et qui consomment autant d'énergie qu'il faut à George Bush Jr pour construire une phrase grammaticalement correcte en anglais.

carriere

chakif2Au cours de la visite, Chafik n'a pas été avare d'explications. Les népalais et Joce sont maintenant imbattables sur la fabrication du ciment. Mais son truc à lui Chafik, c'est surtout le caillou. Dans le Michigan, Chafik était le bras droit du chef des casseurs de cailloux d'une des plus grandes mines de cuivre du monde. En Pennsylvanie, c'est lui le chef des sept nains - à ceci près qu'ils ne sont pas sept mais quinze, qu'ils ne sont pas nains mais mexicains (ils ne sont pas très grands, je vous l'accorde) et qu'ils ne cherchent pas des diamants mais du calcaire. Notons tout de même qu'ils sifflent en travaillant.

Le plus impressionnant a certainement été de pénétrer dans les carrières elles-mêmes. Les anciens sites d’extraction sont devenus des lacs poissonneux et paisibles où les gamins de la ville tentent de passer du bon temps le week-end.


carriere3

Les parties en activité ressemblent à des moules à pyramides aztèques. Si, si, l’image est peut-être un peu compliquée mais ça le fait  (comme disent les gens qui n’ont pas écrit une thèse de linguistique) ! Vous vous souvenez comment sont construites les pyramides astèques : c’est comme dans le problème des tours de Hanoi. Ce sont des empilements d’hexaèdres rectangulaires sur les côtés mais carrés sur deux faces… mouais, ok, heu, on va dire un empilement de dalles de plus en plus petites. Et bien les carrières, c’est exactement l’inverse : plus l’étage est profond, plus il est étroit. On dirait… oh et puis merde ! Regardez la photo, c’est tout !


carriere2

clinton2Après s’être crotté les baskets et avoir tout expliqué de la fabrication du ciment, Chafik a emmené les népalais et Joce dans le centre ville de Bethlehem pour acheter des billets pour le concert du soir : George Clinton. Pour ceux qui étaient en hibernation entre 1979 et 1986, George Clinton et l’un des vétérans du funk, cette musique de noir qui consiste à jouer du jazz avec une section de cuivres énervée, quelques guitares électriques et néanmoins rythmiques et des claviers reggae.

Après cela, nos amis ont eu juste le temps de revenir chez Chafik et Lisa pour se taper leur 2e barbecue du week-end avec de repartir pour le susdit concert dans la susdite ville de Bethlehem susévoquée dans le paragraphe susdessus.

naked1Bethlehem accueille chaque année un festival de musique familial et bon enfant. Aux Etats-Unis, familial et bon enfant signifie qu’il y a un flic débonnaire, généralement obèse et en train de copieusement s’emmerder tous les cinq mètres, que parmi les centaines de stands de bouffe et de boissons sur le site, il n’y en a qu’un qui propose de la bière et que, bien entendu, il faut montrer son ID et ses dollars avant de pouvoir approcher le comptoir, qu’on n’a pas le droit de se mettre torse nu même s’il fait 47° celcius comme c’était le cas ce soir-là, qu’on n’a pas le droit d’aller voir les gens qui ont payé plus chère leur place même s’ils ne sont que 12 dans les 2000m² au pied de la scène, qu’on a le droit de consommer et de s’amuser dans les clous, c’est tout. Ca ressemble à une critique et c’est en est une. Les états-uniens sont fous, comme dirait Obélix. Ils sont fous car ils sont à la recherche perpétuelle du monde parfait et bien entendu – et heureusement pour eux et pour nous, ils ne sont pas d’accord entre eux sur la définition du monde parfait. Ce dont la plupart est certain, c’est que plus il y aura de gens en uniforme, plus il y aura de fichiers pour répertorier toutes les tares des citoyens moyens, plus il y aura d’interdits, meilleur sera le monde. Si la totalité des états-uniens ne partage pas cette idée, ils sont suffisamment nombreux pour rendre la vie un peu pénible parfois à un français moyen en séjour chez eux. Pour vous rassurer un peu, vous pouvez toujours faire comme le népalais et écouter le Stephanie Miller show tous les matins. Vous pourrez apprécier que même s’ils sont fous, les américains ont au moins la liberté d’expression et qu’en plus, contrairement aux français, ils savent s’en servir (et je suis prêt à tenir tête à quiconque qui ne serait pas d’accord avec ce paragraphe. De Blaise à ma belle-mère, je n’ai peur d’argumenter avec personne. J’ai dit.)

A part ça, le concert était très bien, merci. A part quelques altercations mineures entre le népalais et le service d'ordre amateur, nos amis ont passé un très bon moment. Que voulez-vous, le népalais est un rebelle, on ne se refait pas.

Le lendemain matin, il faisait encore très chaud en Pennsylvanie. Les chats de Lisa se sont fait raser pour des questions d'allergie. Vincent a gratouillé un peu la guitare de ses hôtes. Anne-Laure a parlé chiffon avec sa nouvelle cop's Lisa et les garçons ont joué un peu au cerf-volant. Et comme avec les gens biens, le temps passe plus vite, à peine entamé le 4e barbecue du week-end, il fallait déjà penser à repartir.

jocevolant

C'est tout pour aujourd'hui.

A bientôt, les amis.

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Commentaires
R
La lapidation de Motiers en septembre 1765 est un événement colossal. C'est la première fois peut-être dans l'histoire de l'esprit qu'une population entière, pendant une nuit, jette des pierres sur la maison où un penseur, le penseur honni, notre cher Jean-Jacques, s'est réfugié. Jamais auparavant un village ne s'était ligué contre un penseur. J'y vois pour ma part, le faire-part de naissance du beauf.... (mais je vois Cabu qui fait "non" de la tête). La lapidation de Motiers est le début d'une longue persécution de penseurs, de ceux que la droite au moment de l'affaire Dreyfus appelle "les intellectuels" et ceci par dérision; les "intellectuels" sont en effet au départ (et à l'arrivée si on considère qu'il n'y en a plus vraiment) des minables ridicules qui ont un défaut franchement stupide: ils pensent. On voit le retour de dérision des intellectuels de nos jours. "Intello" est devenu une insulte. Juste retour des choses, enfin de la bêtise crasse et barbare qui commença à s'exprimer en pierres taillées et impolies à Motiers, petit village non loin de Neuchâtel. En passant près de Neuchâtel, n'oubliez pas de cracher par la portière. <br /> "Ah mais je vois là-bas dans le fond une main qui se lève !<br /> -Oui, Monsieur le professeur, mais les idées de Rousseau, elles viennent d'où? <br /> - Très bonne question, jeune homme, elles viennent de son génie propre, bien sûr, mais on a tendance à oublier que notre Jean-Jacques est un citoyen de Genève; autant dire un protestant; autant dire un citoyen républicain protestant; autant dire un citoyen de la république protestante calviniste de Genève. Ses idées ont en effet l'amidon de Calvin. On a trop tendance à oublier que le protestantisme est la vraie doctrine qui s'est emparée du monde au XVIème siècle et ne l'a plus lâché; c'est évidemment ce que l'on appelle aujourd'hui l'économie mondiale, mais vue du côté de la pensée. <br /> - Là vous allez un peu loin, monsieur le professeur!<br /> - Bon très bien, gardez vos préjugés, jeune homme, de toutes façons je n'en ai plus pour longtemps; je sais que penser est devenu aujourd'hui un think fast pour téléphages.<br /> - Quel vieux con, ce prof !<br /> - Donc, Jean-Jacques en remet une couche sur la vertu parce qu'il est issu de la tendance dure du protestantisme, j'ai nommé le calvinisme. Me suis-je bien fait comprendre?<br /> - Parfaitement, Monsieur. <br /> -Je vous remercie; la prochaine fois, nous parlerons des seins filmés par Fellini, ça nous changera; tendance catholique dure, si je puis me permettre. " (applaudissements, étouffés dans la salle par un geste autoritaire du maître, vertu oblige). <br /> Raymond.
R
Tout est vrai dans ce que dit Charlotte. J'apporte seulement des compléments pour celui qui dit "connard" à propos de Rousseau. D'abord, c'est le seul écrivain qu'on appelle par son prénom. Jean-Jacques est un ami. <br /> Mais son exception tient au fait qu'il est le premier auteur moderne (après François Villon) à être d'origine modeste, père horloger, réparateur d'horloges. Tous les autres écrivains antérieurs sont des nobles ou des bourgeois fortunés. Il est l'exception brillante de la réussite par l'esprit. Il est notre modèle absolu. Il a été persécuté pour cela: "Cela veut philosopher et cela n'a point 50 000 francs de rente" disait un noble à son propos. <br /> Le "connard" fut un grand prosateur (je ne cite pas les oeuvres, inutile), ce fut un grand compositeur ( "le devin du village" est un opéra très intéressant et sensible, les articles 'musique' de l'Encyclopédie sont presque tous de Jean-Jacques), un grand législateur (je cite, tant pis: "Le contrat social", la législation de la Corse, etc...) il fut également un poète ("les Rêveries..." sont un poème en prose continu...C'est le seul poète authentique de langue française au XVIIIème siècle).<br /> Rousseau est insurpassable et ses contemporains le savaient déjà puisqu'ils le persécutaient déjà sur ses dons. C'est un être unique, précieux, sensible, merveilleux. On l'a traité de connard de son vivant: Diderot: "il n'y a que le méchant qui soit seul". On a fait et dit en fait d'abjection tout ce qu'on a pu. Et pourquoi? Parce que c'était un génie authentique qui venait d'un milieu humble, scandale absolu.<br /> Dire de Rousseau qu'il est à l'origine par exemple des 110 000 morts de la terreur, c'est comme si on reprochait à Montaigne la monarchie absolue de Louis XIV qui a valu la crevaison à des millions de français. Vomissons dans le parc de Versailles, je vous prie. De même on a reproché à Nietzsche d'être le grand-père d'Hitler. Billevesées, pour celui qui a lu Nietzsche qui voyait l'homme idéal sous la forme du croisement d'un juif avec un être occidental(!!). <br /> On reproche à Rousseau son idéalisme; c'est comme si on reprochait à un paysage d'avoir un horizon. Nous avons la chance inouïe de le lire dans sa langue, pitié ne le salissons pas, c'est ce que nous avons de plus beau. Rousseau est le génie total, il est si grand que nous ne voyons que ses pieds. <br /> En outre, il a eu le mérite d'exercer un métier toute sa vie, en plus de ses oeuvres. Il a copié près de 10 000 pages de musique, car à l'époque on n'avait pas d'imprimerie pour la musique, ou si peu. C'était son métier, donc, un vrai métier à plein temps. <br /> Je sais par avance toutes les objections qu'on peut faire au personnage: persécuté parano, etc... Mais a-t-on jamais vu, réellement VU, qu'en fait il l'était vraiment par le monde entier. La lapidation de Moutiers, c'est un fait divers réel, vécu par lui, comme toutes les autres épouvantables injures et vilenies produites contre ce génie tombé du ciel, et crime des crimes, d'origine humble. <br /> Il nous précède tous dans cette ascension géniale vers la réussite des sans le sou. Il doit rester comme il est souvent nommé: Jean-Jacques, l'ami. Le reste n'est pas littérature, le reste n'est que ce que disaient les infâmes de son temps. <br /> Raymond. Le papa d'Anne-Laure.
L
Ca c'est clair, tu nous embrase tous Charlotte.<br /> Réponse bientôt.
C
D'abord, merci le Népalais pour ces conseils techniques. Ce que j'aime chez toi, c'est ta capacité à rendre internet et l'informatique familier à ceux qui t'entourent. Tu fais sans doute la même chose avec le Français et les Américain(e)s tu dois être un prof génial. Et arrête s'il te plait, c'est pas pour une histoire d'histoire littéraire beuviste digne de Lagarde et Michard, que c'est une raison suffisante pour juger qu'on est moins instruit que 2 frimeurs!<br /> Il faut quand même que j'écrive à Lobo parce que cette histoire me turlupine. Je ne crois pas que Rousseau soit con et misanthrope, sinon il n'aurait pas inventé le principe de la volonté générale, c'est à dire le fait que les citoyens, directement, sans l'intermédiaire de représetants décident pour eux-mêmes; pas d'aristocratie au sens étymologique du terme, ce qui pour le 18eme siècle est une idée formidable. Tu me diras, c'est bien joli mais difficile à mettre sur pied, tu vois déjà la foire d'empoigne sur un blog, alors à 60 millions!<br /> Bien sûr l'idée de la démocratie délibérative est formidable et plus je lis Habermas, plus j'en suis convaincue, j'aime beaucoup l'idée du citoyen plus près du pouvoir et ce républicanisme renouvelé mais je reste persuadée que la délibération entraîne le conservatisme. Si tu prends les Irlandais, qui après les suisses sont les rois du référendum en Europe, comment expliques-tu qu'en 1983, influencé par des groupes de pression, le gouvernement ait accepté de poser la question de l'inscription dans la Consitution de l'interdiction de l'avortement et que les Irlandais aitent voté pour cette interdiction à 70%? Au vu du tollé auquel Simone Veil a été confrontée en 1976, on est en droit de penser que si on avait posé la question aux Français, l'avortement n'aurait pas été légal cette année là. Pour la peine de mort, même tableau. Je peux aussi te sortir que c'est un référendum qui a accordé les pleins pouvoirs à Hitler, sans doute parce qu'il avait compris qu'il fallait parler au peuple des fins de mois difficiles, du chômage et lui promettre des jours meilleurs si on se débarrassait de ceux qui pervertissaient la société allemande, les juifs. <br /> Depuis, en Allemagne, on n'organise jamais de référendum, ni sur la Constitution européenne, ni sur la réunification. (bon, je ne m'avance pas trop sur l'Allemagne, il y a le papa d'Anne Laure qui lit ce blog régulièrement, je ne voudrais pas raconter de bêtises...)<br /> Donc j'hésite entre le coeur et la raison comme je le disais dans le message précédent.<br /> Alors voilà, peut être trouveras tu ces exemples galvaudés à souhait, tant pis. Quant à la gauche qui a peur du peuple, elle n'est que le reflet d'une société qui a peur d'elle même et je ne suis pas si sure que le lien social soit ce que le citoyen français recherche le plus. C'est pas parce que le racisme est est une chose bien partagée qu'il ne faut pas lutter contre ça. L'homme est un être raisonnable et en cela il ne doit pas succomber à des peurs primales.<br /> <br /> Cette dissert de philo s'arrête là en ce jour de rentrée des classes. Ca fait un moment que je n'ai pas vu lobo et que je n'ai pas eu avec lui une petite conversation, contente de voir que nous avons quitté la question de la laïcité pour une question plus large, même si en fait le point de discorde est finalement la place que nous accordons tous les deux à la raison. Moi aussi je t'aime Lobo!<br /> Il faut que je me mette au boulot ce matin. Je vous embrase tous.
L
Ca y'est Charlotte nous refait le coup des personnes informées... Ce truc qui nous pourri une démocratie depuis dix ans. Entre la condescendance et le despotisme éclairé des personnes informées d'une part, et la démagogie outrancière des fachos light à la Sarko ou pur porc à la Le Pen, le peuple est la conception la plus galvaudée du moment.<br /> Quant à Rousseau, s'il pensait que l'homme était bon par nature, il disait que la civilisation l'avait perverti, et par conséquent prenait tous ses contemporains pour des cons. Effectivement, ma petite Charlotte aux pommes, tu es rousseauiste et y'a pas de quoi être fière.<br /> C'est ce genre de truc qui a pourri tout ce que la gauche aurait pu comprendre des résultats des dernières élections. C'est ce genre de truc qui fait que la gauche a de plus en plus et bien a raison peur du peuple qui il est vrai se fout des valeurs mais veut juste un travail, un toit, un lien familial, amical, social.<br /> Je lis en ce moment "La misère du monde" une suite d'entretiens et d'articles sur la misère. Si l'aspect analytique sociologisant est pas terrible, la position pseudo-scientifique a au moins un mérite, laisser parler sans juger le locuteur mais en jugeant la société qui crée cette parole.<br /> Le racisme, le sexisme, les haines religieuses, la haine de classe sont des choses trés bien partagées, même par des gens de gauche qui n'accorde que mépris à une parole qui ne trouve certes pas sa légitimité dans la capacité à intellectualiser la complexité du monde, mais dans la peur du lendemain, les factures de fin de mois et le petit dernier qui fume du shit.<br /> C'est petit, c'est mesquin, c'est inquiétant, mais vaincre le mépris par le mépris, c'est la politique de la terre brulée et de la fuite en avant. J'ai dit.<br /> Comme d'habitude en me relisant demain je trouverai que je me suis mal exprimé. Je vous embrasse et j'apprécie ces discussions à leur juste valeur.<br /> J'adore Rousseau mais c'est quand même un connard misanthrope.<br /> Je t'aime Charlotte.
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