Djeunine
Une parenthèse se ferme,
Vincent n’est plus professeur de français depuis quelques heures. Après avoir successivement gagné sa pitance en comptant des chèques et en commandant des millions à la Brinks, en gardant les enfants d’un anarchiste, en accueillant des touristes et des VRP dans la cité des sacres, en faisant l’intéressant avec un micro et une guitare, en récoltant des grappes de raisin aux heures où blanchit la campagne champenoise, en étant capitaine dans une ville que la mer ignore, en écrivant des milliers de lignes de code HTML ou Flash pour faire vendre des tickets de concert, en recopiant le mémoire illisible d’une étudiante de psycho quasi-analphabète, en vendant des CD à la fin de ses propres récitaux (pluriel de récital), en donnant des cours d’informatique, de linguistique, d’infographie et de bureautique, en cherchant, en écrivant des articles lus par personne ou si peu, en parlant devant des parterres de sommités inconnues à Nancy, Lancaster, Reykjavik ou Lorient, le népalais s’est retrouvé de l’autre côté de l’Atlantique à enseigner la langue de Brassens à une virtuose du violon, un informaticien philippin, un gamin de 7 ans fier de son afro-étatsunianisme, un indien passionné par l'ouzbek Avicenne (Ibn Sînâ) 980- 1037 et à la belle Jeannine. Pour ces cours, le népalais a enregistré 23 mp3, traduit partiellement 17 articles de presse et préparé 71 leçons pratiquement toutes originales. Le temps d’un cours, il a fait cuisiner Jeannine en français avec des post-it collés partout dans la cuisine.
Chókran Adytia et bonjour à Bombay, an-nyõ'ng-hi-gué-ssé-yo Stephanie et bonjour à Lausanne, paalam na Josh bonjour à Frederick, bye-bye Lawrence et bonjour à Upper Marlboro, see you soon in Paris Jeannine, we will miss you so much.
Jeannine est l’amie américaine des népalais. Elle épousera Pierre du neuf-trois à Livry-gargan avant la Noël, s’en retournera en janvier au pays de Schwarzenegger, et passera l’année prochaine à se languir de son amoureux tout en cherchant à venir enlever le pain de la bouche d’un français.
Jeannine a les cheveux blondes et les yeux bloues, Jeannine n’a pas de grosse voiture. Jeannine aime les concerts rocks, les légumes et les français. Jeannine a un tatouage dans le bas du dos. Jeannine a grandi dans le quartier de River Phoenix et de Tony Hawk. Jeannine est drôle et bon public aux blagues des autres. Jeannine garde le sourire même lorsqu’un dégât des eaux ravage son appartement et le travail d’une vie par la même occasion. Jeannine c’était un rayon de soleil bihebdomadaire pour les népalais. C’était des soirées à se raconter leurs pays dans le salon, à se marrer comme des whales en profitant d'avoir trente ans pour faire semblant d’en avoir encore 20 – ou à peine.
Les népalais reverront Jeannine à leur arrivée en France le 23 décembre prochain. Elle sera à l’étranger et les népalais n’y seront plus. Ils lui rendront la guitare qu’elle leur a confiée. Ils se feront un gros hug dans le hall de l'aéroport et se diront à bientôt.
La vie est formidable de nous permettre de rencontrer des amis où que l’on soit.
NEVER DIE !!!!!!!!!!!!!!!!